Le petit village planétaire voulu par la mondialisation est en effet une réalité. Mais cela n’est pas vécu par tous de la même façon. En effet, s’il est plus que jamais aisé à certaines classes sociales de pouvoir parcourir le monde pour saisir les opportunités qui s’y trouvent, il est tout autant difficile à d’autres d’avoir le droit de franchir une frontière sans être victime des mesures sécuritaires mises en place par les classes sociales aisées. Dans ce monde-village, la jeunesse africaine semble la plus lésée.
Michel de Montaigne, auteur français du XVIème siècle, disait dans ses Essais : « Les voyages forment la jeunesse ». Bon nombre de jeunes vivants en Occident se voient offrir chaque année des aides pour parcourir le monde afin de découvrir la diversité des populations qui y vivent. Au-delà du tourisme, ces jeunes qui contribuent souvent volontairement à des actions de solidarité internationale, s’enrichissent également d’une expérience qu’ils peuvent faire valoir au niveau professionnel. Ces opportunités sont difficiles à avoir pour la grande partie des jeunes africains dont leurs gouvernements s’occupent fort peu. Pour les africains ayant eu la chance d’économiser ou de profiter des aides de leur famille et essayant de tenter l’aventure de la mobilité, les visas et autres restrictions de voyage sont là pour leur rappeler que dans le monde du XXIème siècle les différences de classe demeurent. Ils se distinguent ainsi ceux qui peuvent aller où ils veulent sans visa ou l’avoir à leur arrivée dans un aéroport de ceux dont il ne sera jamais possible de voyager par les voies légales car nés sur le « mauvais » continent. Confrontés à des conditions souvent exagérées pour obtenir un visa de mobilité, les jeunes n’ont d’autres choix que de tenter l’aventure difficile des routes désertiques et des bateaux de fortune dans les mers et les océans pour vivre leurs expériences de découverte.
L’autre paradoxe de ce monde se voit dans la proximité créée par les Nouvelles Technologie de l’Information et de la Communication (NTIC) qui pourtant ne se concrétise pas par un rapprochement plus aisé pour les peuples. Si on peut se lier facilement d’amitié sur internet, via les réseaux sociaux (Whatsapp, Facebook, Instagram, Twitter…), voir tomber amoureux ou encore avoir accès à des offres de rencontre de personnes vivant dans n’importe quelle partie du monde, il est tout autant difficile à un africain de pouvoir contracter un mariage et ainsi vivre avec une personne d’un autre pays que le sien ou d’un autre continent. Dans un monde-village, il aurait été normal que les hommes se rapprochent plus facilement pour ainsi partager l’idéal humaniste. Le vécu de la diversité aurait ainsi apporté cette beauté des mélanges que l’on retrouve chez les jeunes métissés issus de mariage mixte. Mais loin de valoriser la mixité et le rapprochement, la mondialisation économique néolibérale telle que promue se contente de faciliter la libre circulation des marchandises et de l’argent au détriment des hommes. Il est d’ailleurs bien plus facile d’exporter des bananes ou du café d’Afrique vers l’Europe que de pouvoir faire voyager l’agriculteur qui le produit outre-mer. Face à ces inégalités la jeunesse africaine se doit de relever de nouveaux défis.
Le premier défi à relever reste celui de l’estime de soi. Fort malheureusement les effets pervers de la colonisation et des médias laissent croire aux jeunes d’Afrique leur infériorité par rapport au reste du monde. Les gouvernants dans les pays africains renforcent cette idée en ayant recours à une politique de mendicité ; axant leur projet de société sur l’aide publique au développement et non sur la mobilisation des ressources que leur offre la jeunesse de leur population. L’estime de soi doit pouvoir amener les jeunes africains à comprendre que leur lutte pour la survie dans un contexte social aussi difficile que nos pays africains est déjà une prouesse. Fière de vivre chaque jour ou plutôt de survivre chaque jour dans un contexte inégalitaire et marqué d’injustice. La survie de chaque jour dans un tel contexte est une lutte contre l’oppression d’un système politico-économique qui ne cesse de mettre fin à la vie de milliers de personnes de par le monde.
Le second défi serait alors de partir de cette valorisation de soi pour transformer le contexte de vie dans sa localité. Aussi bien l’innovation technologique pour permettre de rompre la dépendance à l’importation que l’expérimentation de nouvelle forme de gouvernance sociale pour promouvoir transparence et justice sociale seront salutaires à ce niveau. Enfin, les efforts au niveau local doivent tout autant s’allier à des mobilisations au niveau global pour l’avènement d’une autre forme de mondialisation. Une mondialisation où l’homme aura plus de valeur que l’argent et les marchandises. Une mondialisation qui promeut le vivre ensemble et l’apport des peuples les uns aux autres plutôt qu’une mondialisation qui crée des antagonismes et facilite la montée des partis fascistes. C’est à ce prix que nous pourrons vivre dans un monde d’opportunités.
(Cet article a été écrit par Samir ABI, Secrétaire Permanent de l’Observatoire Ouest Africain des Migrations, pour le compte du séminaire organisé par le Mapinduzi Unit à Ouagadougou au Burkina Faso du 18 au 21 avril 2017)
amadou bocar ba
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Merci mr amin pour le combat
Amadou Cisse
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Votre article contribue grandement a la construction d’une prise de conscience enafrique.
Felicitations et bonnecontinuation.
Oscar EYEZOO
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formidable article Amin, nous devons travailler en étroite collaboration avec vous car nous pensons et agissons comme vous .
Oscar, pdt de WBC
Mamadou SARR
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Très pertinent article. Toutes nos félicitations.